La schizophrénie
Six cent mille personnes sont atteintes de schizophrénie en France. Une maladie qui se déclenche le plus souvent entre 15 et 25 ans, et dont les premiers symptômes sont ceux d’une crise d’adolescence particulièrement difficile… Des parents s’inquiètent. Des experts nous aident à y voir plus clair.
Pourquoi à l’adolescence ?
« La schizophrénie est une psychose chronique qui débute généralement entre 15 et 25 ans, le plus souvent autour de 18 ans, à la fin des études secondaires », précise le psychanalyste J.-D. Nasio dans Comment agir avec un adolescent en crise (Payot, 2010).. En effet, « c’est une période de transformation et de mise à l’épreuve des images de la sexualité mises en place dans l’enfance à travers le complexe d’OEdipe », explique Olivier Douville, psychologue et psychanalyste clinicien. À ce moment peuvent apparaître des délires et des hallucinations angoissantes (être poursuivi par des vampires…) et des « passages à l’acte » spectaculaires (se retrouver nu en pleine rue sans savoir pourquoi…). Il s’agit de « bouffées délirantes » qui disparaîtront d’elles-mêmes. C’est seulement si elles se répètent pendant plusieurs mois que le psychiatre suspectera une maladie mentale grave.
D’où vient la schizophrénie ?
Nous devons bien l’admettre, personne ne connaît les causes de la schizophrénie. Trois hypothèses sont avancées : selon la théorie psychanalytique, le futur schizophrène se vit inconsciemment comme un morceau du corps maternel. Il n’a pu se créer une intériorité, et sa fragilité le rend incapable d’assumer les situations symbolisant la séparation d’avec les parents, le deuil de l’enfance (un examen scolaire, un divorce), la sexualité, la mort (un avortement, la disparition d’un proche). Toutefois, selon les psychanalystes, nous croisons chaque jour sans le savoir des gens dont la structure psychique est schizophrénique, mais qui, n’ayant jamais été confrontés à des situations traumatisantes, n’ont jamais déclenché la maladie.
Dans une optique psychobiologique, l’adolescence est une période de remaniement du programme de maturation du cerveau. De nouvelles connexions neuronales se mettent en place, d’autres disparaissent. Il semblerait que des « accidents » se produisent chez certains ados, qui les rendent inaptes à gérer les situations émotionnellement éprouvantes.
Troisième piste : la génétique, car le risque d’être schizophrène est multiplié si un proche parent l’est. Pas forcément par une obscure fatalité héréditaire. Peut-être ce parent a-t-il constitué une source de blocage dans le développement de l’enfant, par exemple en lui transmettant ses propres terreurs.
Faut-il incriminer le cannabis ?
Un jeune sur deux en consomme, or le nombre de schizophrènes reste stable (environ 1 % de la population, selon l’Organisation mondiale de la santé, soit près de six cent mille personnes en France). D’ailleurs, de nombreux malades n’ont jamais fumé de cannabis. Cependant, cette substance ne peut être considérée comme anodine : sa consommation peut précipiter la chute dans la maladie et jouer un rôle dans la fréquence et la gravité des rechutes, tous les psychiatres le reconnaissent. Rien de plus logique, pose Olivier Douville, puisque « la schizophrénie va de pair avec un rapport problématique à la réalité, et que le cannabis altère les perceptions et les sensations corporelles ».
La maladie rend-elle dangereux ?
Contrairement aux idées reçues, la personne schizophrène est nettement plus dangereuse pour elle-même que pour les autres. C’est essentiellement sous l’emprise d’hallucinations morbides – quand, par exemple, elle se met à croire que l’homme en face n’est pas son père mais un démon, qu’elle peut devenir violente. Dans certains moments de crise aiguë, elle n’a pas conscience de la gravité de son état. Aussi, une hospitalisation temporaire se révèle parfois nécessaire : pour la protéger d’elle-même, éviter les tentatives de suicide. « L’hôpital moderne n’est pas l’asile, un lieu d’enfermement. C’est un endroit où le malade doit pouvoir venir se soigner et se rassurer quand ses angoisses et ses hallucinations sont trop envahissantes », précise Olivier Douville.